La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant – Henry De Montherlant

Deuxième pièce de la « trilogie catholique » de Montherlant, La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant, après un premier opus qui ébauchait l’intransigeance de la foi, aborde cette dernière par le biais de son absence.

Si Dieu était au centre du Maître De Santiago, il brille effet par son absence – presque – totale – entre les murs du collège où se déroule l’action de La Ville.

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La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant – Henry De Montherlant

Montherlant évoque dans ce décor scolaire ces « amitiés particulières » que Roger Peyrefitte avant lui évoquait déjà dans son roman du même nom (La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant, même si sa genèse dans l’esprit de son auteur est plus ancienne, date de 1951 tandis que Les Amitiés Particulières a été publié en 1943). Des amitiés qui, dans la première moitié d’un XXe siècle (et avant) tendaient, à l’abri d’une grande rigueur morale, à s’épanouir dans l’univers souvent clos des établissements d’enseignement catholiques et à rapprocher les uns des autres des jeunes garçons par un sentiment un peu plus profond qu’une simple amitié. Mais qu’il faut plutôt considérer comme un remède à la non mixité et à l’austérité de ces maisons d’enseignement plutôt qu’à de véritables inclinations sexuelles.

Ces amitiés sont encore un peu plus particulières dans La Ville Dont Le Prince Est Un enfant que dans le roman de Peyrefitte. Elles mettent en concurrence, vis-à-vis du jeune Souplier, un élève turbulent âgé de quatorze ans, Sevrais, un externe, élève modèle quant à lui et âgé de seize ans, et l’abbé de Pradts, un des responsables de l’établissement.

Aveuglé par l’affection qu’il porte à Souplier, De Pradts n’hésite pas à pousser Sevrais à la faute, pour obtenir ensuite son renvoi de l’établissement et se débarrasser de celui qu’il perçoit probablement comme un rival. (A moins que cette interprétation n’aille trop loin…)

Mais si Dieu n’est jamais ou presque invoqué par les deux jeunes gens, pas plus que par l’abbé De Pradts, la foi que ces trois-ci n’ont pas ou pas suffisamment en leur créateur s’incarne dans la figure du supérieur. Qui permettra, en faisant également renvoyer le jeune Souplier de l’établissement, à la justice divine de s’accomplir ou du moins aux valeurs chrétiennes de ne pas être bafouées par l’entreprise du trop émotif abbé. Un abbé qui, aveuglé de douleur, effaré, perd contenance devant son supérieur et confiance devant son Seigneur. Il en nie presque les commandements, dont celui qui engage à se sacrifier pour sauver autrui.

L’aveuglement affectif de l’abbé De Pradts est celui d’un homme pour un enfant. Il prend place à une époque où cela n’était pas nécessairement plus licite que scandaleux. Si ce n’est que tout se déroulait alors sous le masque parfois – souvent ? – hypocrite du bien de l’enfant, de son épanouissement. Comme il était d’usage, dans l’antiquité, qu’un jeune garçon bénéficie de la sagesse d’un homme plus âgé. Sans jugement aucun, autres temps, autres mœurs… Ce qu’évoque Montherlant dans sa pièce n’est tout simplement plus concevable – ou du moins tolérable – de nos jours.

Si ce n’est dans le dénouement de l’intrigue, Dieu brille, dans ce deuxième auto, par son absence, révélant des figures qui, en négatif de Don Alvaro Dabo dans Le Maître De Santiago, inclinent à s’engager sur le chemin des plaisirs terrestres plutôt que sur la voie – trop ? – ardue du renoncement.

Un deuxième texte de ce fait moins austère que le premier. Duquel le lecteur se sentira dès lors plus facilement proche. Mais que j’ai pour ma part moins apprécié que le premier.

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