La Reine Des Neiges…

Une fois n’est pas coutume, je ne conclurai pas l’année avec mes lectures préférées et avec celles qui m’auront le plus déçu, mais plutôt avec mes deux bonnes résolutions (littéraires évidemment !) pour l’année à venir.

Premièrement, la vie étant trop courte, je vais tâcher, à l’avenir, de me faire violence et de ne plus perdre mon temps à terminer des livres qui me font soupirer après quelques chapitres ou même après quelques pages… Je déteste ne pas aller au bout des choses et ne pas pouvoir critiquer en connaissance de cause, mais ma dernière déconvenue, Ca, de Stephen King, a achevé de me convaincre…

Ma deuxième bonne résolution s’inscrit dans la même philosophie que la première et m’aidera en même temps à tenir celle-ci. Voilà presque dix ans que j’écris un billet après chaque livre que j’ai lu. Essentiellement pour structurer le souvenir de mes lectures. Accessoirement pour partager celles-ci. Même s’il était consommateur de temps, j’ai pris un plaisir certain à cet exercice. Au fil des ans toutefois, le plaisir est progressivement devenu contrainte, jusqu’à me faire frémir, dans les dernières pages d’un livre, en pensant au billet qu’il allait me falloir rédiger.

XXX - The End

Une fois encore, la vie étant trop courte, pourquoi continuer quelque chose qui n’est (presque) plus que contrainte ? Cesser d’écrire mes billets me déculpabilisera également de ne plus achever certains livres puisque je ne les critiquerai plus. La boucle est bouclée !

Plus sérieusement, les choses vont et viennent. Mon goût pour la lecture s’est un peu étiolé depuis quelques mois. Ce n’est probablement que temporaire, mais autant en profiter pour « faire le ménage » tout autour et ne plus m’encombrer de contraintes inutiles.

Me voilà donc, en ce dernier soir de l’année, comme Elsa, la Reine Des Neiges : Libéré, Délivré ! (J’en rajoute un peu hein !)

Merci à celles et ceux qui m’ont suivi, même si c’était souvent (très) discrètement. Je vous souhaite le meilleur pour l’année à venir !

Publié dans Livres | 1 commentaire

Ca – Stephen King

Pour le réveillon de Noël, je vous propose un menu en trois services, les trois tomes de Ca, de Stephen King. En entrée, de la daube, en plat principal du navet et en dessert de la bouse.

055 - Stephen King - Ca - 1

Ca – Stephen King (volume I)

Tout au long de ces trois tomes, qui, réunis, forment une indigeste brique de quelques 1.500 pages, Stephen King raconte une histoire faite de bric et de broc grossièrement assemblés, celles d’une bande de gamins habitant à Derry et qui, après la mort atroce du petit frère de l’un d’entre eux, affrontent une entité mystérieuse qui sommeille dans les sous-sol de la ville depuis la nuit des temps. Un monstre qui se réveille tous les vingt-sept ans environ, pour se repaître d’enfants et se rendormir ensuite, repue, jusqu’à ce que le cycle recommence.

055 - Stephen King - Ca - 2

Ca – Stephen King (volume II)

N’y allons pas par quatre chemins : c’est mal écrit, mal traduit, indigeste, fait de bric et de broc et ça (hahaha…) n’a aucun autre but que d’empiler les pages et les chapitres sans que l’histoire progresse réellement…

Même comme littérature McDo, celle qu’on s’enfile de temps en temps avec un plaisir coupable, Ca ne remplit pas ses promesses. On s’emm*rde du début à la fin… Une fin qui tarde, qui tarde, qui tarde… et qui, comme le reste du bouquin, n’a strictement aucun intérêt. Ca ne fait pas peur, ça ne détend pas, ça ne fait pas passer le temps. Au contraire, j’avais l’impression, en m’entêtant à terminer ce livre, que le temps se dilatait et que chaque minute durait des siècles…

055 - Stephen King - Ca - 3

Ca – Stephen King (volume III)

Bref, c’est mauvais, d’une nullité abyssale, d’un inintérêt infini… Je m’étais déjà dit, après avoir lu Shining, que les Stephen King vieillissaient mail (au contraire d’un Big Mac, qui a, lui, une stabilité dans le temps assez effrayante, mais c’est une autre histoire…). Ca le confirme si besoin était encore.

Ce navet intersidéral me conforte dans une de mes deux bonnes résolutions littéraires pour 2024 ; mais il est encore trop tôt pour en parler. J’y reviendrai dans mon prochain et dernier billet de l’année, le 31 décembre.

Publié dans Contemporain, Etranger, Fantastique, Horreur | 1 commentaire

Une Gourmandise – Muriel Barbery

Il va mourir et il cherche. Lui, le critique tant redouté, lui qui a fait et défait tant de réputations, il n’en a plus pour longtemps à vivre et il cherche. Désespérément. Sans trouver. Alors, au crépuscule de sa vie, il se souvient. Il essaie de retrouver la saveur qui lui trotte en tête, cette saveur qu’il a sur le bout de la langue mais qui, évanescente, se refuse à lui et fuit chaque fois qu’il pense l’effleurer. Il se remémore tous les repas, toutes les agapes, tous les goûts qu’il a connus au long de sa vie. Il cherche…

054 - Muriel Barbery - Une Gourmandise - 1

Une Gourmandise – Muriel Barbery

Avec Une Gourmandise, son premier roman, paru en 2000, Muriel Barbery offre au lecteur une odyssée sensorielle dans les méandres de l’esprit du maître, du pape de la gastronomie. A chaque repas dont il se souvient, à chaque saveur qui lui revient en tête, ce sont les cinq sens qui s’invitent à sa table. Le goût, bien sûr, cela va sans dire. L’odorat, évidemment, sans lequel le goût, qu’il précède pour l’accompagner ensuite, ne serait rien ou presque. La vue aussi, car la cuisine, qu’elle soit grande ou familiale, se déguste d’abord avec les yeux. Le toucher ensuite, celui de la chaise sur laquelle il s’assied, de la nappe qui recouvre la table, des couverts, qui sont comme la clef ouvrant la porte de la dégustation, le toucher, aussi, du pain qui accompagne le repas et qu’il rompt avec un respect quasiment religieux. L’ouïe enfin, même si elle est, des cinq sens, celui qui joue un rôle un peu différent des quatre autres, mais qui permet au maître de s’immerger dans l’atmosphère du repas, avec ses mille et uns bruits qui y participent ou, au contraire, le contrarient. La musique, la conversation des convives, celles des autres tables qui peuvent arriver jusqu’à lui, les pas, souvent feutrés, du maître d’hôtel et des serveurs, ceux, peut-être plus secs, plus claquants, de la mère ou de la grand-mère s’affairant aux fourneaux. Celui des couverts dans les assiettes…

Une odyssée sensorielle donc, qui est aussi une quête, celle de la saveur oubliée, qu’il n’est pas certain de retrouver à temps.

Des menus les plus fins aux casse-croûte les plus modestes, les souvenirs du mourant le rapprochent de plus en plus de cette saveur, de ce goût. Ils alternent avec les points de vue de celles et ceux qui ont connu le maître, qui ont fait partie de sa vie. Son épouse. Ses enfants. Son médecin. Son chat également.

054 - Muriel Barbery - Une Gourmandise - 2 - chouqettes

Une des gourmandises au coeur du livre…

Comme son titre l’indique, le roman de Muriel Barbery se veut une véritable gourmandise pour le lecteur. Et certaines des agapes qu’elle décrit font effectivement saliver. Il y a néanmoins un peu trop de répétition pour ne pas qu’une légère lassitude s’installe au fil des chapitres, que le caractère plus méprisable qu’aimable du protagoniste ne pourra qu’amplifier. Le lecteur peinera en effet à éprouver envers lui la moindre sympathie, ce qui, l’empêchant de s’identifier totalement à lui, fera perdre à ce voyage un peu de la magie que l’auteur voulait lui insuffler.

Une Gourmandise est un court roman plaisant, qui se lit facilement, sans pour autant se dévorer. Le dénouement m’a laissé sur ma faim, un peu court après la vie plutôt tonitruante et fastueuse menée par le maître. Je lui préfère L’Elégance Du Hérisson.

Publié dans Contemporain, Français | Laisser un commentaire

Reste – Adeline Dieudonné

Le premier roman d’Adeline Dieudonné, La Vraie Vie, m’avait laissé mi-figue mi-raisin. J’y voyais beaucoup de choses un peu inabouties, mais aussi beaucoup de promesses. Ayant « raté » ses deuxième et troisième ouvrages (L’Injuste Destin Du Pangolin, paru en 2020 et Kérozène, paru en 2021), c’est avec son quatrième roman qu’il m’a fallu voir ce qu’était devenue cette jeune écrivaine.

Quand ils le peuvent, S. et M. dérobent quelques jours à la clandestinité en se retrouvant dans un chalet au bord du lac. C’est lors d’une de ces escapades en amoureux que le drame survient. En sortant du chalet, S. aperçoit le corps inanimé de son amant qui flotte à la surface de l’eau.

Avertir les autorités signifierait laisser partir définitivement celui qu’elle a aimé. A cela, S. ne peut se résoudre. Elle ne peut accepter d’être séparée de M., de le laisser retourner à son épouse et à leur fils et retomber à jamais dans son anonymat de maîtresse. Alors elle ne dit rien à personne. Elle ramène le cadavre de son amant dans le chalet et en prend soin tout le week-end, comme s’il était encore vivant ou presque, découvrant et redécouvrant chaque centimètre carré de son corps, se remémorant les instants passés ensemble, le début de leur histoire. Pour partir ensuite avec lui à la fin du week-end, sans trop savoir où ils pourront aller, elle, la vivante et lui, le mort.

Cette épopée, aussi étrange que macabre, durera presque une semaine, durant laquelle S. adressera de longues lettres à la femme de M., parce que si elle est consciente de lui avoir « pris » son mari, elle ne veut pas lui voler totalement la mort de celui-ci. Ces lettres de S. sont en même temps le récit de son histoire avec M., la confession de leur adultère et peut-être aussi une tentative – mais bien maladroite alors – d’obtenir le pardon de l’épouse légitime.

053 - Adeline Dieudonné - Reste - 1

Reste – Adeline Dieudonné

Autant tuer tout espoir immédiatement : je n’ai pas du tout accroché à cette histoire de cadavre de l’être aimé transbahuté ici et là par l’amante désespérée.

Très rapidement – dès les premières pages même – il m’a semblé que l’histoire dérapait, pour se réduire rapidement aux considérations saugrenues d’une hystérique incapable d’affronter la réalité, mais qui, paradoxalement, fait en même temps preuve d’assez de sang-froid pour garder auprès d’elle le cadavre de son amant et écrire à l’épouse de celui-ci. Selon moi, la forme épistolaire n’était pas le meilleur choix pour conserver un minimum de crédibilité à une histoire par essence saugrenue.

L’infidélité au centre du roman n’était évidemment pas de nature à rendre les protagonistes sympathiques. Adeline Dieudonné fait en plus le choix – que je trouve malheureux, à moins qu’il n’ait été voulu pour cette raison – de ne les désigner que par des initiales, leur enlevant ainsi une partie de leur personnalité, en faisant des êtres presque anonymes, pour lesquels il sera d’autant plus malaisé au lecteur d’éprouver de la sympathie.

Qu’elle veuille rendre ses personnages attachants ou non, Adeline Dieudonné, par la bouche de sa narratrice, donne l’impression de vouloir banaliser cette infidélité, d’en faire quelque chose d’anodin. Cela ne m’a pas paru choquant, mais plutôt malvenu. Les coucheries sur le côté ne me heurtent pas malgré tout ce qu’elles sont de condamnable, mais j’ai trouvé maladroite, inappropriée, cette tentative de justification de deux histoires d’amour parallèle, manière un peu trop commode s’il en est – dans le chef du mort surtout, mais peu importe – de n’assumer ni l’une ni l’autre.

053 - Adeline Dieudonné - Reste - 2 - AD

Adeline Dieudonné

A lire Reste, on finirait par croire que les deux histoires sont aussi belles l’une que l’autre et mériter de coexister, d’autant qu’il semble possible, sous-entend S. de manière à peine voilée dans ses lettres, que personne n’en souffre. Comme s’il était concevable, ne serait-ce que l’espace d’une seule seconde, que l’épouse trompée se laisse porter par le témoignage que lui inflige – je ne vois pas d’autre terme – la maîtresse de son mari et comprenne, accepte, qu’elles étaient deux à l’aimer.

Une brève réflexion au passage. Je me plais à croire que si cette banalisation de l’adultère avait été le fait d’un écrivain mâle (et blanc de surcroît), des hordes de féministes hystériques auraient crié au scandale et que le coupable aurait été cloué au pilori. Mais j’extrapole et cela nous éloigne de notre sujet.

Adeline Dieudonné évoque – heureusement – d’autres thèmes, plus intéressants, dans son roman, comme la difficulté, sinon l’impossibilité, de faire son deuil quand on n’a pas eu le temps d’aimer l’autre comme on l’aurait voulu. Mais cela se perd un peu au milieu d’un récit saugrenu, au style que j’ai trouvé souvent trop simple. Sans parler des stéréotypes pseudo-féministes faisant – même si c’est parfois bizarrement – écho à cet essai de banalisation de l’adultère. Comme l’histoire du viol qui n’en est pas un mais quand même… Ou encore l’image de la pauvre mère de famille « obligée » de renoncer à sa carrière pour s’occuper de l’éducation des enfants. Et celle, en miroir, de l’homme qui, lui, ne renonce pas à la sienne, fait « bouillir la marmite » et s’arroge le droit, l’ignoble individu, de ne pas comprendre comment sa femme peut être ainsi dépassée par les événements. Amis des clichés, réjouissez-vous, on ressasse…

Bref, Reste m’a déplu. Par son style sans grand panache. Par les choix malheureux à mes yeux de l’auteur en la matière. Par son sujet trop tarabiscoté pour être vraiment crédible. Et par toutes ces autres choses que je viens d’évoquer un peu pêle-mêle…

Publié dans Drame, Français | Laisser un commentaire

Mapuche – Caryl Férey

Jana est une Mapuche, une rescapée d’un peuple persécuté par les Incas d’abord, par les colons espagnols ensuite. Sculptrice, elle survit tant bien que mal au cœur de Buenos Aires. Quand l’un de ses amis travestis, Luz, est retrouvé mort, le corps mutilé et les organes génitaux arrachés et que la police semble vouloir étouffer l’affaire, elle demande l’aide d’un privé, Ruben Calderon. Celui-ci la rabroue d’abord, trop occupé, lui-même rescapé d’un autre enfer, à enquêter sur les victimes de la dictature de Videla, qui ravagea l’Argentine à la fin des années ’70.

052 - Caryl Férey - Mapuche - 1

Mapuche – Caryl Férey

Lorsqu’il comprend que le meurtre de Luz est lié aux agissements des militaires quelques trente ans plus tôt, Ruben ne doute pas que les démons du passé ont refait surface et que Jana et lui doivent unir leurs forces s’ils veulent en venir à bout.

Avec Mapuche, Caryl Férey plonge le lecteur au cœur d’une période trouble, celle de l’Argentine de la seconde moitié du XXe siècle, une Argentine ravagée par les dictatures, la violence et la torture, les exécutions sommaires… et… le « Programme », une action secrète qui visait à offrir aux hauts dignitaires du régime les enfants que la nature leur refusait. En éliminant aux besoins les parents biologiques de ceux-ci et en faisant disparaître les traces…

052 - Caryl Férey - Mapuche - 2 - indiens Mapuche en costume traditionnel

Indiens mapuche en costumes traditionnels

Ces événements, malheureusement réels, servent de toile de fond à un thriller noir et violent, où les héros, autant que leurs ennemis, n’hésitent pas à se salir les mains pour accomplir la mission qui est la leur. La mort et la torture s’invitent à chaque page ou presque, noyant le lecteur dans des flots d’hémoglobine et des scènes parfois difficilement soutenables.

Savoir que les choses ont pu se passer ainsi permet toutefois au récit de conserver une certaine crédibilité, même si – polar oblige – le trait est parfois excessif. Les violences faites aux gauchistes (ou à ceux que le régime en place se plaisait à considérer comme tels…) durant les années où les militaires étaient au pouvoir n’ont malheureusement rien à envier aux actes que Caryl Férey fait commettre aux protagonistes de son roman.

052 - Caryl Férey - Mapuche - 3 - CF

L’auteur, Caryl Férey

L’intrigue est parfois un peu confuse, mais Caryl Férey la mène tambour battant. Malgré l’humanité qu’il essaie de leur insuffler au cœur du désespoir qui les ronge, l’auteur échoue à rendre ses deux héros véritablement attachants. Ca ne nuit pas à leur enquête mais ça aurait été un petit « plus » qu’on peut regretter.

Cela mis à part, Mapuche, sans être un thriller inoubliable, est bien ficelé, qui réussit à tenir le lecteur en haleine de bout en bout. Bref, pas mal !

Publié dans Contemporain, Français, Policier, Thriller | Laisser un commentaire

Adrienne Mesurat – Julien Green

La villa des Charmes, la demeure familiale des Mesurat, porte bien mal son nom. Entre un père autoritaire et pétri d’habitudes et une sœur aînée souffreteuse et hypocondriaque, la jeune Adrienne s’y ennuie à mourir. Son quotidien, morne et insipide, s’écoule avec une lenteur désespérante, sans que rien semble pouvoir venir le bouleverser.

Le cœur et l’esprit à la dérive, Adrienne rêve de liberté. Et plus encore d’amour. Alors qu’elle l’a seulement aperçu au loin et qu’elle ne sait rien de lui ou presque, elle se prend d’une violente passion pour le docteur Maurecourt. Des fenêtres de la villa des Charmes, elle surveille ses allées et venues et rêve de le rencontrer, au hasard de ses rares sorties.

051 - Julien Green - Adrienne Mesurat - 1

Adrienne Mesurat – Julien Green

Lorsque son père découvre les sentiments de sa fille, il les considère comme des fredaines sinon comme de la légèreté de mœurs et restreint aussitôt ses maigres libertés, la confinant à la villa et ne l’autorisant plus à sortir qu’en sa compagnie.

La jeune fille, déjà fragile, vacille en voyant ses dérisoires perspectives d’amour lui échapper. Même si les relations entre les deux sœurs étaient souvent tendues, le départ inopiné de Germaine survient au pire moment et perturbe encore plus un caractère déjà propice à l’instabilité. Ne rêvant plus que de se libérer du joug familial, elle tue son père en le poussant du haut des escaliers…

Une amitié mal placée achèvera de précipiter la malheureuse Adrienne dans la folie…

A côté de son volumineux journal, Adrienne Mesurat est l’une des œuvres les plus connues de Julien Green, auteur américain de langue française occupant une place majeure dans le paysage littéraire du XXe siècle.

Roman psychologique à l’ambiance pesante, Adrienne Mesurat brosse le portrait d’une jeune fille fragile, qui, à cause de son entourage, finira par perdre la raison. L’auteur y évoque aussi les faux-semblants d’une vie bourgeoise apparemment paisible, mais derrière les apparences de laquelle se cachent bien des médiocrités et des vilenies.

051 - Julien Green - Adrienne Mesurat - 2 - Pléiade

Ma lecture du roman dans la Bibliothèque de la Pléiade

Le roman m’a pourtant paru d’une intensité moindre que d’autres œuvres de Green, notamment Mont-Cinère ou encore – lecture de jeunesse qu’il me faudra refaire – Moïra. Peut-être parce que l’action d’Adrienne Mesurat se déroule dans une maison bourgeoise d’une petite ville française et non dans de grandes demeures américaines dont l’isolement accentue encore la désolation dans laquelle semblent baigner les protagonistes.

La disparition soudaine de Germaine, personnage pourtant central dans la première partie du récit, m’a également semblé étrange. Elle joue certes un rôle dans la funeste marche d’Adrienne vers la folie, mais elle n’est suivie d’aucune véritable explication, laissant de facto le lecteur un peu sur sa faim.

Un roman intéressant donc, au climat familial très lourd, mais qui ne me semble pas nécessairement le meilleur pour aborder l’univers de Julien Green.

Publié dans Classique, Drame, Français | Laisser un commentaire

La Terre – Emile Zola

Dans ce quinzième tome des Rougon-Macquart qu’est La Terre, Emile Zola décrit avec une extrême noirceur le monde de la paysannerie tel qu’il était selon lui sous le Second Empire.

Le héros du livre, Jean, est le fils d’Antoine Macquart et de Joséphine Gavaudan. Après avoir été menuisier, il s’engage dans l’armée et participe à la Seconde guerre d’indépendance italienne, menée par Napoléon III contre l’empire d’Autriche. A la fin du conflit, blessé, il se fait engager comme ouvrier agricole à Rognes.

C’est dans ce village que vivent les Fouan. Le père, âgé de septante ans, décide de se défaire de ses terres au profit de ses trois enfants, à charge pour ceux-ci de lui fournir le gîte et le couvet et de lui payer une rente mensuelle.

Mais dans ces pays où la terre est tout, qui s’en dépossède est considéré comme un faible, ou comme un idiot et ne suscite plus que le mépris. Très vite, les enfants du père Fouan renâclent à s’occuper de lui. Ils lui infligent mille privations et vexations et ne s’acquittent que très difficilement des obligations qu’ils ont envers lui.

050 - Emile Zola - La Terre - 1

La Terre – Emile Zola

A travers les yeux de Jean, qui, venant de la ville, reste étranger aux obsessions paysannes pour la terre, Emile Zola dépeint un univers sordide, où seule compte la terre, où l’idée fixe est d’en accumuler le plus possible, où les hommes se ravalent au rang de bêtes. Pour quelques arpents, les enfants se déchirent, comme le font aussi Lise et Françoise, deux sœurs qui ne formaient qu’une mais que la terre transformera en ennemies implacables. Les personnages de Zola veulent la terre, ils croient la posséder, mais ce sont eux qui, au final, en sont les esclaves consentants.

Roman noir, La Terre est peut-être celui des vingt tomes des Rougon-Macquart qui a suscité le plus de réactions et de protestations lors de sa publication, en 1887.

Si le roman a suscité un tollé à cause de sa noirceur et de certaines de ses scènes où les hommes se comportent comme des animaux, il m’a semblé être l’un de ceux où l’auteur délaisse le plus l’analyse sociale, politique et naturelle qui faisant la force des premiers opus, pour s’enliser dans des descriptions qui, d’un épisode à l’autre, se ressemblent très fort en la forme, seul le fond, ce qui sert de décor, étant différent. Pour comparer ce quinzième volume au précédent, c’était, dans L’Oeuvre, l’art qui obsédait le héros, au point de ruiner sa famille. Ici, l’art devient la terre, mais l’obsession reste la même, tout comme ses conséquences, les familles, celle des Fouan comme celle de Luse et Françoise, s’en trouvant détruites.

L’histoire n’est plus, comme aux débuts de la série, sociale et naturelle, elle est essentiellement descriptive. L’analyse des caractères, au regard des tares se renforçant ou s’atténuant d’une génération à l’autre, se délite aussi. Jean a beau être présenté comme le héros de l’ouvrage, il n’est finalement traité par l’auteur que comme un personnage parmi d’autre, voire même comme une figure secondaire à propos duquel le lecteur n’apprend pas grand-chose. Les portraits des premiers épisodes semblent de ce fait fort lointains…

Le récit est également parasité par l’histoire – saugrenue au possible en même temps que peu intéressante – des Charles, un couple bourgeois de Rognes, qui exploitait une maison publique à Chartres et qui cachait cette vérité à leur petite-fille en prétendant que sa mère tenait une confiserie.

Je ne parlerai même pas d’épisodes qui m’ont semblé totalement surréaliste, comme celui où Hyacinthe, le fils aîné des Fouan, se livre pendant plusieurs pages à un concert de flatulence apparemment de première importance aux yeux de Zola mais dont l’intérêt continue à m’échapper…

Bref, La Terre n’est peut-être pascelui des quinze premiers tomes qui m’a le plus ennuyé. Le Ventre De Paris m’avait semblé encore plus interminable. Mais il confirme mon impression que la série s’essouffle depuis quelques romans. En espérant qu’il n’en sera pas ainsi jusqu’à la fin…

Publié dans Classique, Drame, Français | Laisser un commentaire

Le Siècle, III : Aux Portes De L’Eternité – Ken Follett

C’est sur fond de guerre froide et de lutte des Noirs américains pour l’obtention de leurs droits civiques que Ken Follett, avec Aux Porte De L’Eternité, clôture sa vaste saga sur le XXe siècle, entamée avec La Chute Des Géants et poursuivie avec L’Hiver Du Monde.

048 - Ken Follett - Aux Portes De L'Eternité - 1

Le Siècle, III : Aux Portes De L’Eternité – Ken Follett

Ken Follett reste un conteur de talent, doublé d’un historien solidement documenté. Il parvient, même si c’est en les romançant, à rendre intéressants des épisodes politiques majeurs de la seconde moitié du XXe siècle comme la crise des missiles à Cuba, le printemps de Prague ou encore les assassinats de JFK, de son frère Robert ou de Martin Luther King.

048 - Ken Follett - Aux Portes De L'Eternité - 2

Malgré cela, j’ai eu l’impression que ce troisième épisode du Siècle était peut-être celui de trop. La trame du récit m’a semblé se déliter assez rapidement. La guerre froide et le mouvement américains des droits civiques, malgré leur importance et leur complexité, n’ont pas l’intensité des deux conflits mondiaux, qui servaient de toile de fonds aux diverses intrigues des deux premiers opus de la saga. De temps à autres, le récit m’a paru se répéter ou tirer en longueur et s’essouffler.

049 - Ken Follett - Aux Portes De L'Eternité - 3 - NK et JFK - Vienne - 03.06.1961

Nikita Khrouchtchev et JFK à Vienne, le 3 juin 1961

A cela s’ajoute également une forme de dispersion, de délitement familial. Aux personnages de La Chute Des Géants ont succédé leurs enfants dans L’Hiver Du Monde, qui ont eux-mêmes pour cédé la place à leurs propres enfants. Cette troisième génération de protagonistes m’a semblé plus floue que les deux précédentes. Moins intéressante aussi dans la plupart des cas. Ce qui explique probablement que j’ai plus d’une fois peiné à me souvenir de qui était qui, de qui tel ou tel personnage était le fils, la fille.

Parallèlement, les intrigues amoureuses m’ont semblé tenir une place beaucoup plus importante dans ce troisième épisode. Peut-être, justement, parce que les événements mondiaux ayant moins d’intensité, l’auteur s’était senti obligé de compenser d’une manière ou d’une autre.

049 - Ken Follett - Aux Portes De L'Eternité - 4 - Martin Luther King - 1963 - Rêve

Martin Luther King en 1963. « I had a dream. »

Dans l’ensemble, Aux Portes De L’Eternité n’est pas un mauvais bouquin, mais il est clairement en retrait sur les deux premiers épisodes et il conclut malheureusement la trilogie sur une note mineure. Vous pouvez sans hésiter vous ruer sur La Chute Des Géants et sur L’Hiver Du Monde, mais Aux Portes De L’Eternité ne me semble pas indispensable.

Publié dans Aventures, Contemporain, Drame, Etranger, Guerre, Histoire | Laisser un commentaire

Mont-Cinère – Julien Green

Depuis la mort de son père, la jeune Emily est élevée sans affection par sa mère, Mrs. Fletcher. Celle-ci, parce qu’elle craint perpétuellement de manquer de tout, rogne sur la moindre dépense qu’engendre la propriété familiale, Mont-Cinère. Chaque économie en appelant une autre, Emily assiste bientôt à la vente, pièce par pièce, de ce qui constitue à ses yeux l’héritage de son père et donc sa propriété future.

048 - Julien Green - Mont-Cinère - 1

Mont-Cinère – Julien Green

Lorsque sa grand-mère maternelle décide de venir s’installer à Mont-Cinère, la jeune fille se réjouit, croyant trouver en elle une alliée, tandis que Mrs. Fletcher voit arriver cette nouvelle bouche à nourrir et cette nouvelle source de dépenses avec effroi.

L’arrivée de Mrs. Elliot permet à Emily de reprendre un peu l’ascendant sur sa mère, mais les relations entre les trois femmes restent malgré tout très compliquées. Lorsque l’aïeule décède, Mrs. Fletcher reprend, en les accentuant, ses habitudes d’extrême économie, se préoccupant encore moins qu’avant de sa fille.

Emily ne voit plus d’échappatoire que dans le mariage, qui lui permettra de régner sur Mont-Cinère avec son mari. Elle oublié néanmoins qu’elle aliène ainsi son indépendance et ses biens à son époux, qui devient le vrai maître de Mont-Cinère.

Dévastée, elle préfère alors que la propriété familiale disparaisse dans les flammes plutôt que de la perdre au profit d’autrui.

048 - Julien Green - Mont-Cinère - 3 - Pléiade

Ma lecture de l’oeuvre dans la Bibliothèque de la Pléiade

Publié en 1926, Mont-Cinère est l’histoire de trois femmes et d’une avarice qui présente autant de visages. Mrs. Elliot, la grand-mère a dû faire preuve d’économie durant toute sa vie par nécessité. Lorsqu’elle arrive chez sa fille et qu’elle peut profiter du bien d’autrui, rien ne lui semble trop beau et c’est elle qui se sert de sa petite-fille – plutôt que l’inverse – pour satisfaire ses désirs, qui la ramènent à elle et à elle seule. Plus qu’avare, Mrs. Elliot est égoïste. A l’extrême.

La parcimonie avec laquelle Mrs. Elliot a dû vivre s’est transformée, chez sa fille, d’abord en crainte de manquer, ensuite en avarice extrême, aucune privation n’étant excessive pour préserver et même faire grossir une fortune destinée à n’être jamais utilisée.

Emily, quant à elle, semble échapper à la malédiction familiale, uniquement soucieuse, en apparence, d’obtenir ce qui lui revient de droit et d’en disposer. Mais cet impératif, à force de n’être pas satisfait, se change lentement en une véritable obsession qui la poussera à détruire son bien par le feu plutôt que de de pas pouvoir en disposer comme seul et unique maître.

Vanity Fair 1930s

Julien Green dans les années ’30

Mont-Cinère est un roman désolé. Julien Green brosse le portrait de trois femmes vivant presque recluse dans un domaine familial qui chaque jour perd un peu plus de sa superbe sous leur emprise maléfique. Tout y est – même si les raisons en sont diverses – obsession de la possession.

De la première à la dernière page, l’ambiance dans laquelle baigne le roman est pesante, comme si les personnages, torturés, évoluaient dans une atmosphère irréelle, où la réalité cède le pas à une vision déformée des choses, où rien de ce qui n’est pas monnayable ne compte, où les biens valent plus que tout le reste.

Publié dans Classique, Drame, Français | 1 commentaire

Le Voyageur Sur La Terre – Julien Green

Ecrivain majeur du XXe siècle, Julien Green est malheureusement de moins en moins lu et certains de ses écrits ne sont plus publiés dans les collections actuelles. La seule solution pour les lire est de réussir à mettre la main sur l’une ou l’autre vieille édition ou d’investir dans ses œuvres complètes, par exemple dans la Pléiade (huit volumes quand même…).

047 - Julien Green - Le Voyageur Sur La Terre - 1

Oeuvres complètes de Julien Green dans la Bibliothèque de la Pléiade

Le Voyageur Sur La Terre se compose de quatre nouvelles publiées en 1927 : celle qui donne son nom au recueil, Christine, Léviathan : La Traversée Inutile et enfin Les Clefs De La Mort.

Ecrits que l’on peut qualifier de jeunesse (même si des romans comme Mont-Cinère, Adrienne Mesurat ou encore Léviathan ont également été rédigés dans les années ’20), ces quatre textes sont déjà marqués par ce qui constituera l’essence de l’œuvre de Julien Green : des interrogations profondes sur l’âme humaines et ses motivations, des personnages aux vies souvent recluses, parfois même désolées, une piété présente chez tous, véritable chez certains, hypocrite chez d’autres et enfin un fantastique qui, sans l’être vraiment, contribue à l’atmosphère particulière des ouvrages de l’écrivain américain de langue française.

047 - Julien Green - Le Voyageur Sur La Terre - 2

Détail des écrits contenus dans le tome I

Il est difficile d’en dire plus sur Le Voyageur Sur La Terre et les textes qui le composent. Ils constituent néanmoins une introduction intéressante à l’œuvre de l’auteur, même si leur concision, qui entraîne de nombreux silence et qui laisse subsister de multiples interrogations, les rend peut-être moins aisés à comprendre que des romans plus à la forme plus classique comme ceux déjà mentionnés ci-dessus.

Ces nouvelles valent plus pour leur forme et pour l’atmosphère qui s’en dégage. Leur lecteur pourra utilement poursuivre sa découverte de Julien Green avec Mont-Cinère, premier roman de l’auteur, dont la critique suivra sous peu.

Publié dans Classique, Drame, Français, Nouvelles | Laisser un commentaire