Tous Les Hommes N’Habitent Pas Le Monde De La Même Façon – Jean-Paul Dubois

« Tu verras, l’humain est docile », affirmait un évêque à un de ses pairs à qui il conseillait de rudoyer la piétaille sans ménagement.

Cette docilité, c’est celle de Paul, qui, comme un animal maltraité, a fini par accepter toutes sortes de brimades et par considérer comme normale la situation de mépris et d’avilissement dans laquelle on l’enfonçait chaque jour d’avantage. Mais parfois, comme chez l’animal, l’instinct primaire peut faire voler en éclats la gangue de la soumission. Le loup, hurlant à la mort, se retourne alors contre ses tortionnaires dans un déferlement de violence impossible à contenir.

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Tous Les Hommes N’Habitent Pas Le Monde De La Même Façon – Jean-Paul Dubois

Condamné à deux ans de prison, Paul purge sa peine en partageant l’exigüité des quelques mètres carrés de sa cellule avec Patrick Horton, un Hells Angels soupçonné d’assassinat.

En prison, Paul retrace sa vie. Il se souvient de son parcours. Son enfance entre un père pasteur et victime du démon du jeu et une mère gérante d’un cinéma indépendant. Sa tumultueuse rencontre avec Winona, qui sera son seul amour. Leur chienne Nouk. Son travail de superintendant de la résidence Excelsior. Et enfin ce qui l’a conduit en prison.

Dans un style fragile, souvent au bord de la rupture, Jean-Paul Dubois raconte la vie ordinaire d’un homme ordinaire lui aussi. Une vie faite de petits riens mais qui suffisaient à remplir son quotidien. Une vie simple, où s’ébauchent l’amour, avec Winona, l’attachement à l’autre, avec Nouk, ainsi qu’une très fragile humanité, avec Noël, le responsable de l’Excelsior, avec Kieran, qui seul restera fidèle jusqu’au bout à Paul ou encore avec Horton, son compagnon de cellule.

Au cœur de cette vie ordinaire, l’injustice. Celle qui naît de rien. Que tout le monde connait. Contre laquelle personne ne réagit. Une injustice qui croît lentement, qui consume jour après jour. Toujours sans que personne, pas même celui qui en est victime, ne réagisse. Parce que l’humain, disait un évêque connu pour son mépris, est docile.

Quand cette injustice devient tellement grande, tellement envahissante, qu’elle menace la vie même, l’homme qui la subit a le choix. Se coucher et se laisser mourir ou d’agneau devenir loup et tenter, à n’importe quel prix, d’y mettre fin.

Pour la deuxième fois, après Si Ce Livre Pouvait Me Rapprocher De Toi, Jean-Paul Dubois échoue à me convaincre. Son livre est peut-être trop fragile, trop éthéré, pour que je le laisse me porter sans crainte là où il veut emmener son lecteur. Je ressors avec une impression très mitigée de cette lecture. Même si j’ai apprécié l’humanité particulière du compagnon de cellule de Paul. Et même si le dernier chapitre du roman, apologie à peine déguisée d’une vengeance aveugle, a trouvé écho en moi.

Un prix Goncourt moins prétentieux que ceux contre lesquels je bute de temps en temps mais un prix Goncourt malgré tout un peu tarabiscoté…

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