Les Thibault, I – Le Cahier Gris – Le Pénitencier – La Belle Saison – Roger Martin Du Gard

La grande saga familiale écrite par Roger Martin Du Gard entre 1922 et 1940 se décompose en huit épisodes : Le Cahier Gris (1922), Le Pénitencier (1922), La Belle Saison (1923), La Consultation (1928), La Sorellina (1928), La Mort Du Père (1929), L’Eté 1914 (1936) et enfin un Epilogue (1940).

Eu égard à la longueur très variable des huit romans (L’Eté 1914 pèse à lui seul aussi lourd que tous les autres épisodes réunis), rédiger un billet pour chacun d’eux n’aurait guère eu de sens. J’ai dès lors choisi de suivre le découpage de l’édition Folio du début des années ’90, celle dans laquelle j’ai lu pour la première fois Les Thibault. Elle organise l’œuvre en cinq volumes. Le premier regroupe Le Cahier Gris, Le Pénitencier et La Belle Saison. Le deuxième La Consultation, La Sorellina et La Mort Du Père. Le troisième contient la première partie de L’Eté 1914. Le quatrième la deuxième partie. Le cinquième, enfin, se compose de la dernière partie de cet Eté et de l’Epilogue.

Le présent billet porte donc sur Le Cahier Gris, Le Pénitencier et La Belle Saison, que je redécouvre après une première lecture il y a un peu moins de trente ans.

046 - Les Thibault, I - 1

Les Thibault, I – Le Cahier Gris – Le Pénitencier – La Belle Saison – Roger Martin Du Gard

Au travers de la saga des Thibault, c’est la France du début du XXe siècle que Martin Du Gard ressuscite sous sa plume. Il brosse le portrait de deux familles parisiennes aisées que tout oppose. Ou plus exactement dont les figures tutélaires s’opposent radicalement. Les Thibault sont catholiques. Oscar, le chef de famille, est veuf. Pétri de principes bourgeois et religieux rigides, il élève seul ses deux enfants, Antoine et Jacques, que neuf ans séparent. Les Fontanin sont protestants. Thérèse, la mère, et Jérôme, le père, forment un couple pour le moins instable. La première, tout en ne cessant de pardonner au second ses frasques et ses infidélités, pourvoit seule à l’éduction de leurs deux enfants, Daniel et Jenny. Elle leur accorde une confiance et une liberté diamétralement opposées au carcan dans lequel Antoine et Jacques sont maintenus par leur père.

Quand celui-ci apprend que son fils cadet, nourrit une amitié plus qu’intense avec Daniel de Fontanin, sa réaction est immédiate. Il l’envoie dans une maison de redressement, le sommant de ne jamais revoir son ami. Mais c’est sans compter sur le caractère rebelle de Jacques et sur la complicité d’Antoine, son frère aîné. Qui, s’il respecte son père, n’en désapprouve pas moins ses méthodes.

Loin de se rompre, les liens entre les deux familles vont progressivement se renforcer, les enfants Thibault fréquentant les Fontanin à l’insu de leur père. Seuls pâtissent de la mesure prise par Oscar Thibault les liens l’unissant à ses enfants. Son autorité est secrètement mise à mal tandis que la complicité fraternelle se renforce entre Jacques et Antoine.

046 - Les Thibault, I - 2 - RMDG

Roger Martin Du Gard

Sur fond de dissensions familiales, rien n’étant simple ni chez les Thibault, ni chez les Fontanin, des intrigues amoureuses vont se nouer. Antoine et Madame de Fontanin ne sont pas insensibles au charme l’un de l’autre. Pourtant, c’est avec une autre femme, Rachel, qu’Antoine aura une relation compliquée. Jacques, de son côté, éprouve – et ceux-ci sont réciproques – des sentiments ambigus pour Jenny, la sœur cadette de son ami. En même temps, Jérôme continue ses incartades conjugales, que Thérèse continue à lui pardonner, échouant à le rejeter totalement.

Roger Martin Du Gard trace ainsi les contours de personnages qui sont pour la plupart en rupture avec leur temps. Oscar Thibault apparaît comme le vestige – assez détestable de surcroît – d’une époque révolue. Jacques, que son côté rebelle rend allergique à l’autorité paternelle malgré l’amour compliqué qu’il lui porte, évoque un romantique contrarié auquel le bonheur est interdit et que la première guerre mondiale achèvera de broyer. Antoine, plus posé, ayant fait les bons choix, semble un compromis entre les deux, apparemment plus en phase avec son époque. L’amour bouleversera pourtant l’équilibre qu’il avait réussi à construire dans sa vie et c’est en idéaliste naïf qu’il apparaîtra à la fin des trois premiers épisodes de la saga.

Parallèlement, les Fontanin, même s’ils ne sont pas exempts de reproches et même si leur nom n’a pas le prestige de celui d’une vieille famille catholique française, semble moins tourmentés que ne le sont les Thibault. Jérôme est un coureur de jupons invétérés, prêt à abandonner femme et enfants à la moindre occasion, mais même s’il en est parfaitement détestable, Roger Martin Du Gard ne le dépeint pas comme un individu viscéralement méprisable. Thérèse, épouse transie, semble vouée au malheur conjugal, mais elle parvient à s’en extirper en pensant à ses enfants et en vivant une ébauche de deuxième vie en marge de celle qui l’unit à son mari. Quant à leurs enfants, Daniel et Jenny, leur horizon n’est certes pas sans nuages, mais ils échappent aux orages qui grondent bien souvent au-dessus de la tête de Jacques et d’Antoine.

Grand roman sur la France d’avant-guerre, la saga des Thibault est aussi un roman psychologique d’ampleur, où des caractères souvent forts réagiront de manières très différentes aux événements qui ne tarderont pas à secouer leur pays et à le précipiter dans le chaos.

Même si ce début de relecture ne m’a pas déçu, mon impression est un peu moins bonne qu’il y a trente ans. Le style de Roger Martin Du Gard ne souffre aucun reproche, mais il manque peut-être un peu de panache, parfois même de précision. Certains épisodes tirent quelque peu en longueur. Les dîners chez Packmell, notamment, m’ont semblé tout droit sortis des romans balzaciens, et dès lors un peu incongrus dans ce récit des premières années du XXe siècle.

J’hésite dès lors à poursuivre cette relecture. D’une part pour ne pas altérer plus le souvenir que j’en ai. D’autre part parce que des épisodes me manquant, je devrai pour la mener à son terme racheter l’intégrale de la saga, dont le découpage a changé depuis le début des années ’90.

Publié dans Classique, Drame, Français | Laisser un commentaire

L’URSS En Afghanistan – De L’Invasion Au Retrait – Jacques Lévesque

Retour sur une lecture faite en humanités. En cours d’histoire je suppose… Le sujet n’était pas imposé, mais si ma mémoire ne me joue pas de tour, il fallait choisir un ouvrage traitant d’un événement important du XXe siècle et peut-être même plus spécifiquement d’un conflit. Je peux me tromper ; ça n’a de toute façon que peu d’importance.

045 - Jacques Lévesque - L'URSS En Afghanisatan - 1

L’URSS En Afghanistan – De L’Invasion Au Retrait – Jacques Lévesque

A l’époque, l’histoire soviétique m’intéressait. Plus que les autres événements du XXe siècle. J’avoue cependant sans aucune honte n’avoir alors (presque…) rien compris à la guerre dans laquelle l’URSS s’embourba pendant une dizaine d’années pour des considération aussi stupides que celles qui entraînèrent les Etats-Unis au Vietnam un quart de siècle plus tôt. Pour moi, une guerre se résumait alors à une opposition militaire entre deux camps et non, comme en Afghanistan ou au Vietnam, au soutien à un régime « ami » dont la chute aurait signifié le risque de tomber aux mains de l’ennemi idéologique.

Bref, cette relecture, une nouvelle fois quelques trente ans plus tard (décidément, je deviens de plus en plus nostalgique avec l’âge…), m’a – enfin – éclairé sur les véritables tenants et aboutissants de l’occupation de l’Afghanistan par les troupes soviétiques. Du moins dans une certaine mesure. Comme toujours, de nombreuses zones d’ombre demeurent quant aux motivations réelles du régime de Moscou, aux raisons politiques, idéologiques, militaires ou encore économiques ayant déclenché l’occupation de l’Afghanistan ou encore aux réactions de la communauté internationale, qu’il s’agisse de celle des Etats-Unis, de l’Europe ou autres nations directement ou indirectement concernées.

Jacques Lévesque, professeur émérite au Département de science politique de l’UQAM (Université du Québec à Montréal et expert de l’Union soviétique, retrace d’abord la genèse du conflit, en rappelant le contexte afghan d’une part et la politique extérieure de l’URSS d’autre part, spécialement envers les pays du Tiers Monde.

Dans la deuxième partie de son ouvrage, il tente de faire la lumière sur les objectifs de l’invasion soviétique et détaille ensuite les réactions de la communauté internationale.

Il raconte ensuite l’enlisement du conflit, la presque impossibilité de gagner une guerre d’invasion, l’obstination de Moscou à rester malgré tout en Afghanistan, pour arriver aux raisons du retrait qui eut lieu en 1989, dix ans après le début de l’invasion, et qui sont étroitement liées au déclin, sur tous les plans, de la superpuissance communiste.

L’ouvrage ne se lit évidemment pas comme un roman. Il oblige à de multiples consultations pour comprendre les choses en détails. Relu aujourd’hui, plus de trois décennies après la chute du bloc de l’est, « à froid » donc, il permet à celui que ce conflit intéresse d’en mieux cerner les contours, d’en comprendre les causes principales, même en faisant l’impasse sur une partie de l’histoire et de l’organisation politique de l’Afghanistan, fort lointaines aux yeux des lecteurs occidentaux que nous sommes.

Publié dans Contemporain, Français, Guerre, Histoire | Laisser un commentaire

Les Sept Croix De Plomb – Henri Vernes

Quoi de mieux pour renouer avec le plaisir de lire que de replonger en enfance ? Et quoi de mieux pour replonger en enfance que de suivre une des innombrables aventures du célèbre commandant Morane et de son ami Bill Ballantine ?

044 - Henri Vernes - Les Sept Croix De Plomb - 1

Les Sept Croix De Plomb – Henri Vernes

Cette fois, nos deux comparses, en voyage à Singapour où Bob joue à l’antiquaire, se retrouvent bien malgré eux embarqués sur le Taïpeh, le bateau du sinistre Zoltan. L’objectif de ce forban : mettre la main sur un prodigieux trésor en pierres précieuses, caché depuis plus de cinquante ans dans sept mystérieuses croix de plomb.

Pour y parvenir, Zoltan a recruté de force un équipage de repris de justice et de forçats en rupture de ban au milieu duquel Bob et Bill font figure d’exceptions. Il leur faudra ruser et prendre leur mal en patience pour parvenir à fausser compagnie aux pirates et, avec l’aide de Jack Scare, à mettre la main sur le trésor. Mais avant cela, ils devront affronter Leï Pin Sing, le Fléau des Mers de Chine, ainsi qu’une peuplade primitive de Papous pour lesquels les sept croix de plomb sont devenues de véritables objets d’adoration.

D’une aventure à l’autre de son intrépide héros, Henri Vernes reprend immuablement les mêmes codes, déroulant les exploits de Bob Morane en suivant une trame convenue qui débouche toujours sur le même dénouement : la victoire du commandant et de son ami Bill sur les forces du mal après moult ont péripéties.

La recette fonctionne pourtant. Surtout pour les nostalgiques dont la jeunesse, à l’instar de la mienne, a été bercée par les aventures de Bob Morane. Une fois encore, je me suis sans difficulté laissé captiver par cette course au trésor à l’autre bout du monde et c’est avec délice que l’espace de quelques cent cinquante pages, j’ai fait un bond qui m’a ramené plus de trente ans (voire trente-cinq) dans le passé, quand je lisais pour la première fois Les Sept Croix De Plomb.

Contrairement à son immortel héros, éternellement âgé de trente-trois ans, Henri Vernes s’est éteint le 25 juillet 2021, à l’âge respectable de cent deux ans. Désormais orphelin, Bob Morane n’en continuera pas moins de sillonner le monde et de passionner des milliers de lecteurs à travers les très nombreuses aventures que le romancier athois lui a fait vivre.

Publié dans Aventures, Contemporain, Français, Jeunesse | Laisser un commentaire

Le Cycle De Fondation, V – Terre Et Fondation – Isaac Asimov

Quelle fin en quenouille que celle du Cycle De Fondation !

Avec Terre Et fondation, la sensation, déjà ressentie à la lecture de Fondation Foudroyée, que ces deux tomes ont été écrits par Isaac Asimov sous la pression commerciale de son éditer se confirme.

043 - Isaac Asimov - Terre Et Fondation - 1

Le Cycle De Fondation, V – Terre Et Fondation – Isaac Asimov

La trilogie originelle, peut-être légèrement datée, manquant parfois un peu de rythme, formait un ensemble cohérent. Même si parfois les arcanes de la psycho-histoire rendait le récit un peu abscons. Avec Fondation Foudroyée et plus encore avec Terre Et Fondation, c’est un peu l’inverse qui se produit. La psycho-histoire et les prévisions de Seldon sont reléguées au second plan, cédant la place à des aventures plus rythmées à travers l’espace et les galaxies. Mais surtout plus superficielles et moins cohérentes que dans les trois premiers opus.

Le principal héros de Fondation Foudroyée et de Terre Et Fondation, Golan Trevize, cherche à découvrir la planète des origines, celles dont la trace s’est perdue au cours des quelques vingt mille années de colonisation spatiale. Mais… plus ses recherches progressent et moins il en apprend sur la Terre – car c’est d’elle qu’il s’agit – et plus il comprend que quelqu’un – ou quelque chose – a voulu que cette trace se perde.

Convaincu pourtant que c’est sur la Terre que se trouve la réponse à la question de l’avenir de l’humanité, Trevize ne renonce pas et poursuit son voyage aux commandes de l’Etoile-lointaine. Son obstination le mènera sur différents mondes interdits, peuplés l’un de chiens agressifs, l’autre d’êtres proches des hommes mais hermaphrodites et dotés de pouvoir télékinétiques stupéfiants, le troisième d’un peuple primitif trop amical envers les étrangers pour ne pas cacher de lourds secrets.

043 - Isaac Asimov - Terre Et Fondation - 2 - série TV

Une affiche de la série TV s’inspirant du Cycle De Fondation

Tout cela n’a plus rien d’original ou presque. Les poncifs du genre s’accumulent d’un chapitre à l’autre. Et le mysticisme dont se teintait déjà Fondation Foudroyée avec l’apparition de Gaïa et de l’étrange Joie se fait plus présent encore dans Terre Et Fondation. Jusqu’à transformer le récit en un indigeste galimatias où se mélangent joyeusement des thèmes comme les origines de l’humanité, la justesse des choix à faire pour en assurer la perpétuation, l’éthique, la protection de l’environnement, j’en passe et des meilleurs…

Bref, Isaac Asimov, sauf s’il était ruiné à la fin de sa vie, aurait mieux fait de tenir tête à son éditeur et à ses lecteurs et de ne jamais écrire de suite à sa célèbre trilogie, qui sort inévitablement déforcée de la lecture – très dispensable – de Fondation Foudroyée et de Terre Et Fondation.

Lisez Fondation, Fondation Et Empire et Seconde Fondation. Vous trouverez peut-être à cette trilogie un côté un peu poussiéreux, parfois un peu lent, ou encore confus. Mais l’ensemble que forment ces trois romans est cohérent et constitue un classique de la science-fiction. Par contre, fuyez la lecture de Fondation Foudroyée et de Terre Et Fondation, fastidieuse, embrouillée et sans aucun intérêt.

Publié dans Contemporain, Etranger, Science-Fiction | Laisser un commentaire

Cyrano De Bergerac – Edmond De Rostand

Que le théâtre peut être agréable à lire quand il est sobre et juste ! Je pense, parmi d’autres exemples, à la trilogie de Montherlant, comprenant Le Maître De Santiago, La Ville Dont Le Prince Est Un Enfant et Port-Royal ! Mais qu’il peut au contraire être assommant quand ce sont l’excès et la niaiserie qui en sont les fils conducteurs !

042 - Edmond De Rostand - Cyrano De Bergerac - 1

Cyrano De Bergerac – Edmond De Rostand

De Cyrano, je connaissais le nez, bien sûr, et la fameuse tirade, pour l’avoir entendue déclamer par Gérard Depardieu au cinéma en 1990. Le roc, le pic, le cap, la péninsule… Le souvenir du film s’étant effacé au gré des ans, j’ai voulu redécouvrir Cyrano – le découvrir même, tout simplement – en lisant l’œuvre d’Edmond Rostand.

Quelle erreur ! Que ce théâtre est… théâtral. Tout y est excessif, caricatural, agaçant. Que l’intrigue soit cousue de fil blanc, soit. Que Roxane soit la caricature d’une précieuse, Christian d’un bellâtre doublé d’un idiot et Cyrano d’un gentilhomme sans pur ni reproche doublé d’un amoureux transi (bonjour les poncifs…), là encore, soit. Mais, à quelques (trop rares) exceptions près, quel ennui d’un dialogue à l’autre, quelle monotonie dans l’emphase et l’exagération. Tout l’un dans l’autre, pour une œuvre qui se voulait leste, quelle lourdeur, quelle platitude.

042 - Edmond De Rostand - Cyrano De Bergerac - 3 - GD

Gérard Depardieu dans le rôle de Cyrano au cinéma en 1990

Certes, la tirade du nez est bien tournée. Et, déclamée par Gérard Depardieu, elle est savoureuse. Certes, le finale, où Roxane, enfin, s’éveille de sa béate niaiserie et comprend que c’est son cousin qu’elle aime depuis le début, est émouvant. Enfin, un brin, pas trop. Mais que le reste est assommant… J’ai cru plus d’une fois périr d’ennui. J’aurais préféré moquer l’appendice de Cyrano et encourir son ire pour me distraire un peu de la pièce de Rostand.

042 - Edmond De Rostand - Cyrano De Bergerac - 2 - Savinien de Cyrano de Bergerac

Savinien De Cyrano De Bergerac, l’écrivain français du XVIIe siècle qui inspira son personnage à Edmond De Rostand

Peut-être, je l’évoquais dans mon précédent billet, à propos de La Mère, de Pearl Buck, suis-je dans une passe où toute lecture m’est ennui. Peut-être aussi joué-je pour le moment de malchance dans mes choix littéraires… Peut-être enfin cette édition de Cyrano De Bergerac, aux discours continuellement entrecoupés de descriptions de la scène ou des gestes des acteurs, est-elle pour cette raison plus pénible à lire que s’il ne s’était agi que du texte seul. N’importe. Je me suis fermement ennuyé en lisant la pièce d’Edmond Rostand. Alors pourtant que je ne déteste en règle générale pas lire du théâtre.

Vivement le prochain livre. A moins qu’il ne soit temps peut-être de faire une pause…

Publié dans Aventures, Comédie, Drame, Théâtre | Laisser un commentaire

La Mère – Pearl Buck

Fille de missionnaires presbytériens, Pearl Buck n’a que trois mois quand ses parents partent s’établir en Chine. Elle ne reviendra aux Etats-Unis qu’en 1933, plus de quarante ans plus tard.

La plupart de ses romans, sinon tous, sont fortement marqués par ce pays où elle passa plus de la moitié de sa vie.

041 - Pearl Buck - La Mère - 1

La Mère – Pearl Buck

La Mère, publié en 1933, cinq ans avant que ne lui soit décerné le prix Nobel de littérature, s’inscrit dans cette lignée. L’histoire que Pearl Buck y raconte est celle d’une femme que l’on découvre alors qu’elle est mariée et mère de famille. Malgré le labeur épuisant qui, chaque jour la réclame, la mère, entre son mari, sa belle-mère et les enfants que la vie lui apporte année après année, est une femme humble, mais qui s’estime accomplie.

Mais un jour, après quelque dispute conjugale, son mari quitte le village. Les jours passent, les rumeurs enflent. Pour y mettre fin, la mère invente une histoire, qu’elle doit compliquer chaque jour un peu plus pour expliquer l’absence prolongée de son mari. Jusqu’à parfois s’abuser elle-même.

La vie continue pourtant. Les enfants grandissent. L’aîné, resté au village, prend progressivement la place de son père et ne renâcle pas devant le travail. Le cadet, plus insouciant, part s’établir en ville, des idées nouvelles plein la tête. La benjamine, presque aveugle, s’efface autant qu’elle peut, essayant de peser le moins possible sur le quotidien des siens, mais sans pouvoir leur être très utile. La belle-mère enfin, que le temps semble avoir oublié, continue à babiller à propos de tout et de rien.

La mort de la belle-mère sera le point de basculement de la vie de la mère. Son aîné s’étant marié, il remplace définitivement son père, s’installant avec son épouse dans la maison familiale. Ses forces déclinant, la mère prend peu à peu la place de la belle-mère. Moins conciliante que celle qui la précédait, aigrie par la disparition de son mari, revêche avec sa belle-fille, elle s’isole lentement dans un délire de persécution qui atteint son apogée avec la mort tragique de son fils cadet et de sa fille. Jusqu’à ce que la vie, brutalement, bascule à nouveau, en lui offrant le petit-fils qu’elle attendait depuis des années et qui semble tout racheter.

041 - Pearl Buck - La Mère - 2 - PB

Pearl Buck

Dans un style très sobre, Pearl Buck raconte le quotidien d’une famille de paysans chinois au début du XXe siècle, avant que la tourmente politique et sociale ne s’empare du pays. La figure centrale du récit est une femme, qui ne sera jamais autrement nommée que la mère et autour de laquelle gravitent les autres personnages : son mari, ses enfants, sa belle-mère, les habitants du village.

Même si la vie de la mère est austère, elle n’est pas pour autant malheureuse. Peut-être pas heureuse non plus, même si la notion du bonheur dans la Chine des débuts du XXe siècle était sans doute totalement différente de celle que nous en avons aujourd’hui dans nos société occidentales. La vie de la mère se passe. Simplement. Comme il semble inévitable qu’elle doive se passer. Entre travaux harassants, dévotion à son mari et enfantements qui se succèdent aussi naturellement que les années, la mère n’a guère le temps de se demander si elle est heureuse ou non. La misère, les décès en bas âge de plusieurs de ses enfants, ne remettent rien en question. Seul le départ brutal de son mari rompra l’équilibre de la vie de la mère, que rétablira seulement, des années plus tard, la venue de son petit-fils.

Ce n’est qu’en arrivant à la moitié du récit que je me suis rappelé l’avoir déjà lu. Mais sans être capable de me remémorer quand ni quelle impression il m’avait laissée… Cette nouvelle lecture ne m’a pas véritablement ennuyé, mais, à l’image de la vie de la mère, elle a été dépourvue de toute passion et c’est avec plus d’indifférence qu’autre chose que j’ai parcouru un roman qui méritait sans doute mieux, tant les sujets qu’y aborde Pearl Buck auraient pu m’intéresser si je n’avais pas été dans une passe où lire m’est devenu quelque peu fastidieux…

Publié dans Contemporain, Drame | 1 commentaire

Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède – Selma Lagerlöf

Ecrit au début du XXe siècle par Selma Lagerlöf, Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède raconte les aventures du jeune Nils, un garnement en culottes courtes qui se retrouve changé en un être minuscule après s’être moqué du tomte veillant sur la maison familiale.

040 - Selma Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède - 1

Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède – Selma Lagerlöf

Voulant empêcher leur jars, Martin, de suivre un groupe d’oies sauvages, mais ne s’étant pas aperçu de sa petite taille, Nils est emporté dans les airs et n’a d’autre choix que de suivre Akka de Kebnekaise et ses compagnes dans leur grand voyage migratoire vers le nord. Un voyage qui sera l’occasion pour Nils de découvrir les différentes régions de son pays, leurs origines et tous les mythes et légendes qui s’y rattachent. En plus de vivre lui-même de multiples aventures avec les oies, le corbeau Bataki, l’aigle Gorgo ou encore Smirre, le rusé renard.

Avec son œuvre destinée à la jeunesse, Selma Lagerlöf, première femme à recevoir le prix Nobel de littérature en 1909, voulait que les enfants de son pays en découvrent les richesses et en même temps faire œuvre sociale, en incorporant à son récit des recommandations en termes d’éducation, d’hygiène ou encore de morale.

Plus d’un siècle après sa première traduction française, datant de 1912, le roman reste agréable à lire. Le style est simple, sans être scolaire malgré le public auquel il s’adresse. Les premiers chapitres, où l’on découvre quel mauvais garçon est Nils, pourquoi il est puni par le tomte familial et comment il se retrouve emporté dans un fantastique périple aérien, sont sympathiques. Ils rappelleront, à celles et ceux qui l’ont regardé à l’époque, le dessin animé diffusé sur TF1 dans le courant des années ’80, assez fidèlement inspiré du livre.

040 - Selma Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède - 3 - SL

Selma Lagerlöf, qui n’avait quand même pas l’air très comique… ^^

Malheureusement, après les cinquante ou cent premières pages, l’amusement fait assez rapidement place à l’ennui. Car si Selma Lagerlöf évite un style trop scolaire, elle fait de son livre un outil didactique dont le principal but est de faire découvrir, une région de la Suède après l’autre, les caractéristiques de chacune de celle-ci : géographie, richesses naturelles, exploitations et industries, légendes…

Chapitre après chapitre, avec la régularité d’un métronome, Selma Lagerlöf décrit des paysages (forêts, cours d’eaux, lacs, montagnes…) qui ne diffèrent guère les uns des autres et qui m’ont rapidement plongé dans un ennui profond. Les aventures de Nils, de Martin et de leurs amies les oies ne sont que secondaires et ne parviennent guère à égayer le récit. Elles aussi suivent toujours la même trame. Les oies cherchent continuellement, mais sans grand succès, à semer Smirre le renard, qui rêve de les croquer. Tandis que Nils, d’une mésaventure à l’autre, se perd mais finit toujours pas retrouver ses amies à plumes.

040 - Selma Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson A Travers La Suède - 2 - DA

Une scène du dessin animé japonais inspiré du livre et diffusé dans les année ’80

Seules les quelques légendes dont Selma Lagerlöf parsème son récit rendent à celui-ci un peu d’intérêt même si, là encore, ce sont presque toujours les mêmes histoires de géants ayant façonné telle vallée ou tel cours d’eau qui reviennent.

Bref, sans pouvoir dire que ce classique de la littérature pour enfants est mal écrit ou a mal vieilli, sa lecture, après les premiers chapitres, a été pour moi une interminable pénitence. Je ne peux décemment pas clouer ce livre au pilori, mais à moins d’être un suédophile averti, je ne peux que vous le déconseiller !

Publié dans Aventures, Classique, Etranger, Jeunesse | Laisser un commentaire

Tu Es Une Rivière – Chi Li

Après la mort accidentelle de son mari, la jeune Lala est réduite à élever seule ses huit enfants. Un véritable défi dans la Chine d’après-guerre. Mais Lala souhaite conserver son indépendance et n’entend pas se remarier malgré les avances à peine voilées de son beau-frère. Elle préfère trimer, ses enfants avec elle, et n’hésite pas à recourir à toutes sortes d’expédients pour joindre les deux bouts.

039 - Chi Li - Tu Es Une Rivière - 1

Tu Es Une Rivière – Chi Li

Si Lala aime ses enfants, elle n’a guère l’occasion de le leur montrer. Elle a tant à faire pour nourrir toutes ces bouches que leur quotidien est plus fait de réprimandes et de punitions que de gestes de tendresse. A force de ne pas avoir le temps de les aimer, Lala finira par s’éloigner de certains de ses enfants. Ils nourriront des sentiments contradictoires envers cette mère qui aura subvenu tant bien que mal à leurs besoins matériels mais bien peu à leur épanouissement affectif.

De la naissance de son huitième enfant, peu après la disparition de son mari, jusqu’à sa propre mort, un quart de siècle plus tard, c’est la vie au jour le jour d’une jeune veuve sous le régime révolutionnaire de Mao que Chi Li raconte. Avec simplicité et sans enjoliver la réalité, calquant en partie son récit sur l’histoire de sa propre famille, classée « droitiste » par le régime de Pékin et soumise à diverses mesures comme l’exode urbain.

En toile de fond de son roman, Chi Li place la révolution communiste chinoise et les bouleversements politiques et sociaux qu’elle engendrera d’un bout du pays à l’autre. Elle évoque la Longue Marche de Mao et de ses disciples, le Grand Bond en avant, qui devait redresser l’économie chinoise mais qui se révélera un fiasco. Elle raconte le mépris du régime envers les intellectuels, souvent envoyés dans les campagnes, pour apprendre à travailler la terre, ou encore la volonté de faire table rase du passé dans un pays profondément attaché à ses traditions.

Si l’histoire de Lala et de ses enfants n’a rien d’extravagant (elle est même tristement banale sous toutes les latitudes et à toutes les époques), la manière qu’a Chi Li – et peut-être beaucoup d’auteurs chinois avec elle – de raconter cette vie ordinaire est particulière, entre simplicité narrative et trivialité parfois des épisodes. Peut-être est-ce lié aux difficultés rencontrées par Lala et au peu d’amour qui s’échangeait entre ses enfants et elles, mais les personnages m’ont semblé un peu creux, sans individualité, presque interchangeables. Comme si tous, au creux d’une misère pourtant surmontable, se fondaient dans un seul et même moule. Une confusion encore accentuée, évidemment, par leurs noms, peu aisés à retenir pour nous.

Tu Es Une Rivière n’a pas été une lecture désagréable. Je n’ai malheureusement jamais réussi à m’immerger dans la vie de cette jeune veuve et de ses fils et filles. Je les ai vu vivre, grandir et mourir de très loin, sans me prendre d’affection pour aucun d’entre eux. De la même manière, Tu Es Une Rivière nous fait traverser trois décennies de la vie politique chinoise, mais sans aller vraiment au fond des choses, d’assez loin, et sans réussir à donner envie au lecteur d’en savoir plus sur cette période pourtant intéressante de la révolution maoïste.

Publié dans Contemporain, Drame, Etranger | Laisser un commentaire

Le Siècle, II : L’Hiver Du Monde – Ken Follett

Après La Chute Des Géants, Ken Follett poursuit sa traversée du XXe siècle avec L’Hiver Du Monde. Ce deuxième tome de la trilogie débute en 1933, en Allemagne, où nous retrouvons Walter Von Ulrich, son épouse Maud, la sœur de Fitz, et leurs deux enfants, Erik et Carla.

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 1

Le Siècle, II : L’Hiver Du Monde – Ken Follett

En 1933, la frêle démocratie allemande vacille sous les coups de plus en plus violents que lui portent Hitler et ses partisans. Des heures sombres s’annoncent, au cours desquelles l’Europe deviendra le théâtre du plus sanglant conflit de tous les temps.

La Chute Des Géants m’avait passionné. L’Hiver Du Monde, m’a semblé être un cran au-dessus encore. Le récit, même romancé, que Ken Follett fait de la deuxième guerre mondiale et des atrocités commises par les nazis à l’encontre de toutes les personnes jugées « impures » (les Juifs, les homosexuels, les communistes…) m’a glacé. Monh sang s’est figé à plusieurs reprises. Que ce soit face à la mise à mort de Jorg, l’ami de Robert Von Ulrich. Face à l’extermination, dans le cadre de la tristement célèbre « Aktion T4 », des handicapés et des personnes dont la charge était jugée trop coûteuse pour la société. Ou encore face aux massacres de civils simplement parce qu’ils avaient le malheur d’appartenir à l’autre camp.

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 2 - cardinal Clement August von Galen

Le cardinal Clement August von Galen, qui s’opposa à l’Aktion T4

A chaque fois, j’ai senti que je m’effondrais intérieurement devant tant d’abjection. Parce que c’était il y a moins d’un siècle que des hommes ont planifié l’extermination méthodique de certains de leurs semblables pour des questions de race, de religion, d’orientation sexuelle ou de rentabilité.

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 3 - Ethel et Julius Rosenberg

Les époux Rosenberg, convaincus d’espionnage au profit de l’URSS et exécutés par les Etats-Unis en juin 1953. Ken Follett s’est inspiré d’eux pour les personnages de Wilhelm Frunze et de son épouse.

Je voulais cette lecture délassante. Elle l’a été, car Ken Follett marie habilement fresque romanesque d’envergure et cadre historique solidement documenté. Même si les héros de L’Hiver Du Monde sont pour la plupart fictifs, les épisodes auxquels ils prennent part ont tous réellement eu lieu. Comme la façon dont l’Eglise – en la personne du cardinal Clement August von Galen – s’indigna devant l’Aktion TA et parvient à en obtenir l’arrêt, du moins à titre officiel. Ou encore comme l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais, que l’auteur reconstitue minutieusement tout en parvenant sans aucune difficulté ni aberration à y faire évoluer ses héros de fiction.

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 4 - Hiroshima après la bombe

Hiroshima. Après.

C’est avec plaisir que j’ai traversé cette période pourtant dramatique qu’est la deuxième guerre mondiale en compagnie des enfants de Maud et de Walter, de Fitz, de Bea, d’Ethel et de beaucoup d’autres. Cette traversée m’a aussi pesé par moments, malgré une certaine habitude du sujet, tant Ken Follett reconstitue les faits avec précision et justesse tout en leur donnant une dimension romanesque qui en accentue la dureté sans jamais pourtant verser dans le mélodrame. (J’avouerai que certaines amourettes m’ont parfois un peu fait soupirer, mais ce n’est qu’un détail au vu des quelques mille pages que compte le roman.)

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 5 - AH

Le responsable de la plus épouvantable tragédie humaine de tous les temps…

Je pourrais faire un long, un très long résumé de L’Hiver Du Monde, tant la fresque est vaste et la reconstitution historique d’envergure. Et tant il y a à écrire sur l’infinie capacité de l’homme à faire le mal. Mais cela n’apporterait pas grand-chose de neuf et risquerait de vous gâcher le plaisir de lire cette trilogie magistrale qu’est Le Siècle.

038 - Ken Follett - L'Hiver Du Monde - 6 - JS1917-L1900-LT1917

De gauche à droite : Staline (1917), Lénine (1900) et Trotski (1917), les trois fondateurs d’un régime qui n’aura rien à envier ou presque au IIIe Reich en termes de barbarie et d’inhumanité.

Si mon billet sur La Chute Des Géants ne vous avait pas totalement convaincu, n’hésitez plus ! Plongez-vous dans cette grande et brillante histoire du XXe siècle. Je suis convaincu que vous ne le regretterez pas, tout comme je suis convaincu de ne pas être déçu par le dernier volet de la saga, Aux Porte De L’Eternité.

Publié dans Aventures, Contemporain, Drame, Etranger, Guerre, Histoire | 1 commentaire

Le Mage Du Kremlin – Giuliano Da Empoli

Parce qu’il s’intéresse à l’écrivain Evgueni Zamiatine, le narrateur attire l’attention de Vadim Baranov, un homme discret et mystérieux, qui fut l’un des plus proches conseillers de Vladimir Poutine.

Retiré de la vie politique, Baranov invite le narrateur et lui confie son histoire. Il lui raconte ses débuts comme artiste et producteur d’émissions de télé. Sa rencontre avec celui qui était alors le responsable du FSB (les services de renseignement russes, ayant succédé au KGB) ensuite. Leur rapprochement, jusqu’à devenir le « mage du Kremlin », une sorte de Raspoutine du XXIe siècle ayant l’oreille du « Tsar ».

037 - Giuliano Da Empoli - Le Mge Du Kremlin - 1

Le Mage Du Kremlin – Giuliano Da Empoli

En créant le personnage fictif de Vadim Baranov, c’est l’histoire d’un proche conseiller de Vladimir Poutine que Giuliano Da Empoli raconte. Homme d’affaires dans le courant des années ‘90, Vladislav Sourkov réoriente sa carrière vers la politique à la fin de la décennie, soutenant la candidature de Poutine au poste de président de la Fédération de Russie. L’élection remportée, Sourkov devient le principal idéologue du Kremlin, théorisant autour de la personne du nouveau chef de l’état les concepts-clefs de la verticalité du pouvoir et de la démocratie souveraine. Des concepts dont la mise en pratique conduira à un durcissement de la politique intérieure et extérieure russe, visant à rendre au pays sa grandeur et sa place de superpuissance après les dix années de parenthèse qui suivirent l’effondrement du bloc communiste.

Le roman de Giuliano Da Empoli est fluide et agréable à lire. Il y explique comment est considéré le pouvoir en Russie et pourquoi il y est quelque chose de fondamentalement différent par rapport aux pays occidentaux.

037 - Giuliano Da Empoli - Le Mge Du Kremlin - 2 - VP

Vladimir Poutine

Les concepts qu’il explique « de l’intérieur », en racontant l’histoire de Baranov/Sourkov, lèvent en partie le voile sur les arcanes de la politique russe, sur les jeux d’influences qui s’exercent avec d’autant plus d’acharnement qu’on approche du « Tsar ». Le récit permet de mieux comprendre la manière de fonctionner des Russes, le peuple comme les dirigeants. L’argent, fondamental dans les démocraties libérales, n’est qu’accessoire à l’est. Le pouvoir est avant tout recherché pour ce qu’il est et pas pour les richesses matérielles qu’il permet d’obtenir.

La Russie, explique l’auteur, a toujours voulu – elle a toujours eu besoin même – d’un pouvoir fort, organisé très hiérarchiquement. Aux temps des tsars comme aux temps des soviets, le régime fonctionnait selon cette verticalité. Qui a volé en éclats avec l’implosion de l’URSS, donnant lieu à un intermède d’une dizaine d’années à la fin du siècle dernier. Un intermède qui a vu naître une nouvelle race d’hommes, les oligarques, auxquels Poutine, dès son accession au pouvoir, a immédiatement mené la vie dure. Comme en témoignent les déboires de Mikhaïl Khodorkovski, l’ancien PDG de Ioukos, emprisonné en 2003 sous divers chefs d’inculpation (escroquerie, fraude fiscale, etc.) après avoir été la première fortune du pays.

Parallèlement, l’auteur décortique le fonctionnement du régime russe en tant que dictature. Poutine, comme ses prédécesseurs communistes, mise sur des concepts comme la terreur permanente, les purges de grande ampleur et autres mécaniques classiques des régimes totalitaires, de celui de Mobutu à celui de Khadafi en passant par le régime chinois ou les juntes militaires du sud-est asiatique. Rien de bien neuf sous le soleil donc…

037 - Giuliano Da Empoli - Le Mge Du Kremlin - 3 - Vladislav Sourkov

Vladislav Sourkov, l’homme politique qui a inspiré Vadim Baranov

Le roman se délite malheureusement dans sa dernière partie, versant dans une sorte de mysticisme à peu près incompréhensible (et sans lien véritable avec le reste du récit) en même temps que dans une tentative de dédouanement de responsabilité à propos de Baranov/Sourkov, dont il est difficile de savoir si elle relève de la pure fiction, de ce que l’auteur sait de Sourkov ou de sa volonté personnelle de blanchir – pour des raisons inconnues – ce proche conseiller de Vladimir Poutine.

Malgré cela, Le Mage Du Kremlin permet de comprendre (un peu) mieux la manière dont le pouvoir s’organise en Russie. L’éclairage demeure néanmoins limité et pourrait ne pas apprendre grand-chose à celles et ceux qui, de près ou de loin, se sont déjà un peu intéressés à l’histoire russe.

Un bilan en demi-teinte pour une lecture qui ne fut pas désagréable, mais qui n’est finalement guère édifiante.

Ne passez pas nécessairement votre chemin, mais ne vous précipitez pas non plus sur ce roman en pensant qu’il vous donnera toutes les clefs pour comprendre le fonctionnement de nos voisins de l’Est.

Publié dans Biographie, Contemporain, Etranger, Histoire, Politique | Laisser un commentaire