Mont-Cinère – Julien Green

Depuis la mort de son père, la jeune Emily est élevée sans affection par sa mère, Mrs. Fletcher. Celle-ci, parce qu’elle craint perpétuellement de manquer de tout, rogne sur la moindre dépense qu’engendre la propriété familiale, Mont-Cinère. Chaque économie en appelant une autre, Emily assiste bientôt à la vente, pièce par pièce, de ce qui constitue à ses yeux l’héritage de son père et donc sa propriété future.

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Mont-Cinère – Julien Green

Lorsque sa grand-mère maternelle décide de venir s’installer à Mont-Cinère, la jeune fille se réjouit, croyant trouver en elle une alliée, tandis que Mrs. Fletcher voit arriver cette nouvelle bouche à nourrir et cette nouvelle source de dépenses avec effroi.

L’arrivée de Mrs. Elliot permet à Emily de reprendre un peu l’ascendant sur sa mère, mais les relations entre les trois femmes restent malgré tout très compliquées. Lorsque l’aïeule décède, Mrs. Fletcher reprend, en les accentuant, ses habitudes d’extrême économie, se préoccupant encore moins qu’avant de sa fille.

Emily ne voit plus d’échappatoire que dans le mariage, qui lui permettra de régner sur Mont-Cinère avec son mari. Elle oublié néanmoins qu’elle aliène ainsi son indépendance et ses biens à son époux, qui devient le vrai maître de Mont-Cinère.

Dévastée, elle préfère alors que la propriété familiale disparaisse dans les flammes plutôt que de la perdre au profit d’autrui.

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Ma lecture de l’oeuvre dans la Bibliothèque de la Pléiade

Publié en 1926, Mont-Cinère est l’histoire de trois femmes et d’une avarice qui présente autant de visages. Mrs. Elliot, la grand-mère a dû faire preuve d’économie durant toute sa vie par nécessité. Lorsqu’elle arrive chez sa fille et qu’elle peut profiter du bien d’autrui, rien ne lui semble trop beau et c’est elle qui se sert de sa petite-fille – plutôt que l’inverse – pour satisfaire ses désirs, qui la ramènent à elle et à elle seule. Plus qu’avare, Mrs. Elliot est égoïste. A l’extrême.

La parcimonie avec laquelle Mrs. Elliot a dû vivre s’est transformée, chez sa fille, d’abord en crainte de manquer, ensuite en avarice extrême, aucune privation n’étant excessive pour préserver et même faire grossir une fortune destinée à n’être jamais utilisée.

Emily, quant à elle, semble échapper à la malédiction familiale, uniquement soucieuse, en apparence, d’obtenir ce qui lui revient de droit et d’en disposer. Mais cet impératif, à force de n’être pas satisfait, se change lentement en une véritable obsession qui la poussera à détruire son bien par le feu plutôt que de de pas pouvoir en disposer comme seul et unique maître.

Vanity Fair 1930s

Julien Green dans les années ’30

Mont-Cinère est un roman désolé. Julien Green brosse le portrait de trois femmes vivant presque recluse dans un domaine familial qui chaque jour perd un peu plus de sa superbe sous leur emprise maléfique. Tout y est – même si les raisons en sont diverses – obsession de la possession.

De la première à la dernière page, l’ambiance dans laquelle baigne le roman est pesante, comme si les personnages, torturés, évoluaient dans une atmosphère irréelle, où la réalité cède le pas à une vision déformée des choses, où rien de ce qui n’est pas monnayable ne compte, où les biens valent plus que tout le reste.

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