Les bonnes surprises et les déceptions de 2021

Pour la première fois, mon compteur de l’année passe les 100 livres lus ! Ce qui complique encore un peu ma tâche d’épingler parmi ceux-ci les cinq qui m’ont le plus séduit et les cinq qui m’ont le plus déçu. Mais à ma sacro-sainte règle, point d’exception : vous aurez droit à cinq recommandations et à cinq conseils, pas une de plus, pas un de moins. Enfin presque…

Les bonnes choses d’abord !

Ce sont des romans d’horizons très divers qui ont positivement émaillé cette année écoulée.

Le premier de ceux-ci est un récit autobiographique, Robinson Des Mers Du Sud. Tom Neale y raconte avec simplicité et authenticité, sa décision de tout quitter pour aller vivre seul sur un petit atoll du Pacifique, Souvarof, à quelques 400 kilomètres de l’île habitée la plus proche et la vie qui fut alors la sienne.

Couv.NEALE_ROBINSON.indd

Robinson Des Mers Du Sud – Tom Neale

Moi qui ai horreur de voyager, je le soulignais à l’époque dans mon billet, j’ai trouvé les aventures – bien réelles – de Tom Neale passionnantes mais aussi extrêmement enrichissantes sur le plan humain.

Une lecture sans prétention, mais diablement agréable et qui est probablement ma meilleure surprise de 2021 ! A lire absolument !

En deuxième place, un roman plus compliqué, plus torturé. Que j’épingle pour deux raisons. Premièrement parce qu’André-Joseph Dubois écrit extrêmement bien et que ça mérite toujours d’être souligné. Deuxièmement parce que L’Oeil De La Mouche, même si c’est autrement que mon premier coup de cœur de l’année, m’a aussi interpelé sur le plan humain. Avec cette question omniprésente du début à la fin du récit : en finit-on jamais d’être pauvre ? Peut-on jamais échapper totalement à sa naissance ? Une question terrible, à laquelle je n’ai pas de réponse certaine à apporter, mais qui pourrait constituer la base d’un très fructueux échange d’idées. A lire aussi, malgré une certaine noirceur.

99 - André-Joseph Dubois - L'Oeil De La Mouche - 1

L’Oeil De La Mouche – André-Joseph Dubois

Vient ensuite Les Echoués, ma deuxième rencontre avec Pascal Manoukian après Le Paradoxe D’Anderson. Une rencontre très forte, au cours de laquelle l’auteur m’a entraîné parmi les oubliés de notre monde. Pas ceux qui vivent et meurent à des milliers de kilomètres d’ici, dans les déserts africains ou les jungles asiatiques. Ceux qui, croyant en un ailleurs meilleur, fuient leur pays d’origine pour gagner cette Europe qu’ils voient comme l’Eldorado de tous les possibles. Mais qui ne veut pas d’eux. A travers trois destins, ceux de Virgile, d’Assan et de Chanchal, Pascal Manoukian dresse le bilan très sombre de nos sociétés en faillite totale de solidarité et d’humanité.

99 - Pascal Manoukian - Les Echoués - 1

Les Echoués – Pascal Manoukian

Un roman pas exempt de défauts, mais brut de décoffrage. Qui vous tombe entre les mains comme les parpaings rugueux que soulève Virgile à longueur de journée. Et qui vous érafle le cœur.

En 2020, j’avais beaucoup aimé La Griffe Du Chien, de Don Winslow. Sa suite, Cartel, s’invite dans mon top 5 en évitant les longueurs qui émaillaient parfois le premier opus. Les aventures d’Arthur « Art » Keller et sa guerre contre le baron de la drogue Adan Barrera sont menées tambour battant, sans temps mort.

99 - Don Winslow - Cartel - 1

Cartel – Don Winslow

Un bouquin haletant, qui se dévore d’une traite malgré ses quelques mille pages !

Pour conclure ce top 5, un livre plein de douceur. Qui, malgré une trame difficile, évoque le temps qui passe et l’enfance qui s’en va, Ne Tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur. Harper Lee brosse le portrait d’une gamine de neuf ans qui découvre peu à peu le monde des adultes dans une Amérique des années ’30 où les démons suprémacistes sont encore bien présents.

99 - Harper Lee - Ne Tirez Pas Sur L'Oiseau Moqueur - 1

Ne tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur – Harper Lee

J’aurais pu aussi épingler, en 2021, ma triple rencontre avec Franck Bouysse à l’occasion de Né D’Aucune Femme, de Grossir Le Ciel et de Plateau, trois romans dont les ambiances lourdes et terreuses m’ont séduit.

J’ai longtemps hésité aussi, dans le registre des romans socialement engagés, entre Les Echoués et Rouge Dans La Brume. Mais comme j’avais déjà repris Mordillat dans l’un ou l’autre de mes bilans de fin d’année, j’ai cette fois privilégié Pascal Manoukian.

De la même manière, du côté de l’action pure et dure, Battle Royale, hyper-violent et rudement bien ficelé, aurait pu détrôner Cartel.

Je n’ai retenu aucun classique dans mon top 5. Je ne les ai pourtant pas délaissés en 2021. Le Nœud De Vipères, de François Mauriac, rate le coche de peu. La faute à une concurrence trop rude sans doute et à l’obligation de choisir et de sacrifier…

Enfin, une mention particulière à un roman estampillé « jeunesse », où l’auteur aborde avec délicatesse et talent la douloureuse question de la maladie et de la mort et plus particulièrement celles qui frappent un adolescent. Le premier tome du Manoir, Liam Ou La Carte D’Eternité, mérite qu’on s’y arrête. Que ce soit à l’entrée de l’adolescence ou en tant qu’adulte.

Au tour de mes déceptions maintenant…

Je ne peux pas ne pas citer en premier lieu Un Lit De Ténèbres, de William Styron. Un roman qui n’est peut-être pas fondamentalement mauvais mais que j’ai traîné comme un poids mort pendant des mois, sans pouvoir me résoudre à l’abandonner et que j’ai finalement achevé au forceps. Alors que le thème était sombre mais prometteur, seul l’ennui m’a guidé tout au long de cette interminable lecture…

99 - William Styron - Un Lit De Ténèbres - 1

Un Lit De Ténèbres – William Styron

Viennent ensuite trois prix Goncourt, qui, à des degrés divers, méritent le knout pour m’avoir infligé des heures de lecture allant de l’incompréhension au supplice.

Des trois le moins coupable, Romain Gary m’a laissé perplexe avec La Vie Devant Soi, son livre le plus connu, prix Goncourt 1975. Alors qu’Harper Lee, dans Ne Tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur, donnait avec intelligence et finesse la parole à une gamine de neuf ans, Romain Gary, réfugié pour la cause derrière le pseudonyme d’Emile Ajar (moi aussi, j’aurais pris un nom d’emprunt si j’avais dû écrire un pareil bouquin !), tente de faire de même en donnant la parole au petit Momo, dix ans. Le résultat est aux antipodes de celui obtenu par Harper Lee. La Vie Devant Soi est un roman confus, brouillon, sans réel intérêt à mes yeux et diablement pénible à lire…

99 - Romain Gary - La Vie Devant Soi - 1

La Vie Devant Soi – Romain Gary alias Emile Ajar

Un cran au-dessus dans le fastidieux vient Alexis Jenni, lauréat du prestigieux prix littéraire en 2011 avec L’Art Français De La Guerre. Un titre qui devrait déjà mettre la puce à l’oreille du futur lecteur tant il laisse entrevoir tout le snobisme de l’œuvre. Un roman long. Très long. Interminable même. Mais surtout prétentieux, vain et épouvantablement indigeste. On regretterait presque Romain Gary…

99 - Alexis Jenni - L'Art Français De La Guerre - 1

L’Art Français De La Guerre – Alexis Jenni

Sur la première marche du podium, détrônant Gary et Jenni, un court roman de François Weyergans, Trois Jours Chez Ma Mère. L’archétype – et mes propos n’engagent que moi – du branlage de mouches à la françaises, pour reprendre mon expression de l’époque. C’est prétendument intellectuel, bêtement libidineux et sans aucun intérêt.

99 - François Weyergans - Trois Jours Chez Ma Mère - 1

Trois Jours Chez Ma Mère – François Weyergans

Ma pire lecture pour conclure… Celle qui dépasse de loin toutes les autres… Le Québécois Kévin Lambert n’a pas la prétention des auteurs français, mais il offre avec Querelle, son premier livre, un concentré de tout ce que je déteste en littérature. Un sujet de fond traité superficiellement. Sur un mode halluciné. Une forme à pleurer, tout ce qui fait la langue française, vocabulaire, syntaxe, forme du discours, étant massacré sans le moindre talent ni la moindre originalité. Le tout parsemé de scènes de sexe poisseuses et d’un inintérêt abyssal. La bassesse peut être décrite avec grandeur. Ce n’est visiblement pas le chemin qu’emprunte Querelle…

99 - Kevin Lambert - Querelle - 1

Querelle – Kevin Lambert

Ces cinq livres feraient presque passer pour du caviar mes autres déceptions de l’année que sont Les Aventures Extraordinaires D’Un Juif Révolutionnaire, Abattoir 5, La Servante Ecarlate, La Maison Des Damnés ou encore, pour que les classiques ne se gargarisent pas trop du fond de leur tombeau, La Peau De Chagrin. Des livres qui ne méritent pas d’être cloués au pilori mais qui, selon moi, ne valent pas qu’on perde son temps à les lire. Vous voilà prévenus !

Cet article a été publié dans Livres. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.